L’estime
de soi est un sujet d’étude étonnamment complexe.
Les psychologues n’arrivent même pas à s’entendre
sur la définition du concept et encore moins sur l’origine
du problème et ses solutions potentielles. La recherche a néanmoins
permis de dégager passablement de connaissances depuis quelques
dizaines d’années. Les données de référence
qui suivent proviennent des comptes rendus de recherche en psychologie
sociale sur l’estime de soi.
Définition du concept
En règle générale, l’estime de soi d’une
personne donnée est son attitude vis-à-vis d’elle-même.
Cette attitude se traduit par des sentiments de satisfaction et de
fierté ou de mécontentement et de honte et par des opinions
fondées ou non de ses qualités, de ses aptitudes, de
ses défauts, de son incompétence. Habituellement, la
personne qui a une bonne estime de soi aura confiance en elle et appréciera
sa valeur dans la société. Dans le cas contraire, la
personne en manque d’estime de soi manquera également
de confiance, doutera de sa valeur et entretiendra une image négative.
Différences perceptibles de l’estime de soi
On constate des distinctions entre différentes formes d’estime
de soi. Dans certains cas, par exemple, l’estime de soi sera
conditionnelle ou dépendante d’une qualité, souvent
imposée par notre culture, comme la beauté, la bonne
forme physique ou la réussite professionnelle. Une personne
sera fière et aura confiance en elle pour le simple fait qu’elle
réussit bien en affaires. Dans cette forme conditionnelle,
l’estime de soi est souvent fragile
– à l’estime de soi que procure la réussite
répétée peut s’ensuivre de graves problèmes
découlant d’un échec soudain. Par opposition,
l’estime de soi véritable et
authentique se fonde sur l’acceptation de soi intégralement,
sans s’arrêter sur une qualité particulière.
L’estime de soi très conditionnelle est une attitude
défensive, qui cache ou compense une insécurité
sous-jacente. En réalité, certaines personnes frondeuses
et remplies d’amour-propre s’efforcent ainsi de corriger
leur sentiment de mépris à l’égard d’elles-mêmes.
Il faut aussi faire la distinction entre l’estime de soi explicite
et l’estime de soi implicite. Dans
sa forme explicite, l’estime de soi d’une personne donnée
comprend la perception consciente de sa valeur, exprimée en
opinions et en sentiments. Dans sa forme implicite, l’estime
de soi se traduit par des réactions réflexes. Quoique
l’estime de soi implicite se manifeste de manière inconsciente,
elle peut influer sur des phénomènes connexes, comme
l’anxiété en société, la persistance
à accomplir des tâches et la réaction à
l’échec.
Habitudes de pensée sous-jacentes à l’estime
de soi
Le manque d’estime de soi s’entretient par plusieurs habitudes
de pensée. La personne affectée insistera sur une perception
négative d’elle-même par comparaison constante
avec des idéaux de perfection hors d’atteinte. Dans d’autres
cas, elle surévaluera un événement fâcheux
et en tirera des conclusions générales négatives
et une autocritique exagérée, qui mineront son estime
de soi. Ce genre de pensées sont étroitement liées
aux attentes que se font les gens de leurs relations sociales, comme
l’attente de critiques ou d’un éventuel rejet.
Ironiquement, les perceptions négatives des personnes en manque
d’estime de soi peuvent les pousser à éviter un
éventuel rejet en s’isolant même des gens qui les
apprécient réellement et qui se préoccupent de
leur bien-être.
Par opposition, une bonne estime de soi s’entretient également
par différentes habitudes de pensée. Les personnes ayant
une bonne estime de soi insisteront davantage sur les événements
heureux et les opinions favorables exprimées par autrui. Quand
leurs pensées s’arrêtent sur leurs défauts
ou leurs échecs, vite ils rattrapent le coup par des pensées
positives. L’estime de soi véritable est liée
à la conviction de l’acceptation et du respect que l’on
inspire, notamment chez les personnes les plus importantes et significatives
de notre vie. Cette conviction se fonde sur des relations réelles
ou sur des antécédents d’affection, d’amour
et de respect. En réalité, certains chercheurs considèrent
que le nerf de la guerre au manque d’estime de soi consiste
à renforcer la confiance en soi face à autrui et la
perception inhérente de compétence. La bonne estime
de soi correspond alors à la satisfaction de ces besoins plutôt
qu’à un sentiment naturel portant une personne donnée
à veiller à sa propre conservation.
Par conséquent et en règle générale, l’estime
de soi peut découler de pensées conscientes et délibérées
ou d’une conviction profonde émanant d’habitudes
de pensée réflexes et inconscientes.
Peut-on modeler les mauvaises habitudes de pensée?
Les pensée sous-jacentes au manque d’estime de soi et
à une bonne estime de soi surviennent rapidement et automatiquement.
L’exercice de réflexion consciente est très bref.
La personne concernée portera son intérêt sur
des renseignements précis, fera une interprétation oblique
d’événements ambigus ou fera une sélection
mémorielle des renseignements. Dans certains cas, les habitudes
de pensées des gens ont tendance à insister sur les
données ou les interprétations négatives, provoquant
ainsi l’insécurité et la perte de l’estime
de soi. La psychothérapie s’efforce souvent de modifier
ces habitudes de pensée – la plupart du temps acquises
de longue date et fortement implantées - en invitant la personne
affectée à en prendre conscience, à les examiner
attentivement et à acquérir de nouvelles habitudes de
pensée à son égard et dans ses relations sociales.
Dans notre recherche sur le sujet, nous avons voulu savoir s’il
était possible de modifier directement les habitudes de pensée,
en mode automatique si l’on puis dire. Et il semble que cela
soit possible pour deux habitudes de pensée : les associations
personnelles implicites et la perception attentionnelle. Dans notre
jeu WHAM! Conditionnez votre estime de soi,
la recherche démontre que l’information d’acceptation
peut être conditionnée à l’information personnelle
pour susciter une conviction profonde, sécurisante et positive
d’estime de soi. Dans le jeu Ayez l’œil
: la matrice, l’habitude qu’ont certaines
personnes de rechercher le rejet (perception attentionnelle) peut
être modifiée en leur apprenant à ignorer le rejet.
Nous avons maintenant l’espoir de perfectionner nos jeux informatiques
répétitifs de manière à susciter des réactions
énergiques qui aideront les personnes en manque d’estime
de soi à modifier leurs perceptions automatiques d’elles-mêmes.
Nous vous l’avons dit en début de texte; l’estime
de soi est un sujet extrêmement complexe!
Lectures
pertinentes sur l’estime de soi :
Baumeister,
R.F. (Ed.) (1993). Self-esteem: The puzzle of low self-regard. New
York: Plenum Press.
Baumeister,
R. F., Campbell, J. D., Krueger, J. I, & Vohs, K. D. (2003). Does
high self-esteem cause better performance, interpersonal success,
happiness, or healthier lifestyles? Psychological Science in the Public
Interest, 4, 1-44.
Farnham,
S.D., Greenwald, A.G., & Banaji, M.R. (1999). Implicit self-esteem.
In D. Abrams & M.A. Hogg (Eds.), Social Cognition and Social Identity,
Blackwell, London.
Kernis,
M. H. (Ed.), Efficacy, agency, and self-esteem. New York: Plenum.
Leary,
M. R., & Baumeister, R. F. (2000). The nature and function of
self-esteem: Sociometer theory. In M. Zanna (Ed.), Advances in experimental
social psychology (Vol. 32, pp. 1-62). San Diego: Academic Press.
Murray,
S. L., Holmes, J. G., & Griffin, D. W. (2000). Self-esteem and
the quest for felt security: How perceived regard regulates attachment
processes. Journal of Personality and Social Psychology, 78, 478-498.
Rosenberg,
M. (1965). Society and the adolescent self-image. Princeton, NJ: Princeton
University Press.